Interview de Thierry ARENE par la CCI du Tarn – Septembre 2024

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est concrètement un CRM ? Quel est son intérêt pour les entreprises ?

Avant de définir ce qu’est un CRM (Customer Relationship Management ou GRC en français), il est pertinent de commencer par son « parent » : l’ERP (Enterprise Resource Planning), aussi appelé PGI (progiciel de gestion intégré).

Un ERP est un logiciel de gestion d’entreprise intégrant cinq fonctions principales, dont le module central est la comptabilité et les finances.

De nombreux logiciels se prétendent ERP sans respecter ce critère essentiel. Un ERP se compose d’un noyau comptable accompagné de quatre modules supplémentaires, tels que la gestion des ventes, la supply chain, la production, et la gestion de projets. Parmi ces modules, on peut trouver un CRM, mais souvent avec des fonctionnalités limitées. L’ERP, comparable à un couteau suisse, centralise diverses fonctionnalités au sein d’une seule application.

Cependant, les CRM spécialisés existent indépendamment des ERP parce qu’ils se concentrent sur des fonctions spécifiques comme l’avant-vente, le service client, et le marketing client. Ces CRM se distinguent par leur capacité à gérer des étapes allant de l’offre commerciale à la commande, en se connectant ensuite à un ERP pour le reste du processus.

Depuis environ sept ans, les CRM ont évolué pour gérer non seulement les clients, mais aussi les relations avec tous les tiers de l’entreprise, qu’il s’agisse de fournisseurs ou de partenaires stratégiques. Les fonctionnalités CRM d’un ERP sont souvent moins profondes que celles d’un CRM dédié.

Par exemple, Salesforce, leader des CRM, surpasse même les plus grands ERP comme SAP dans la gestion de la relation client. Ainsi, de nombreuses grandes entreprises utilisent conjointement SAP et Salesforce.

Cet exemple, bien que haut de gamme, est pertinent même pour les petites structures. Enfin, un avantage clé des CRM est leur capacité à gérer le marketing client, via des campagnes multicanal incluant e-mailing, réseaux sociaux, SMSing, et même le print, qui regagne en popularité dans certains secteurs.

De nos jours, une entreprise peut-elle vraiment se passer d’un CRM ? Et quelles en seraient les conséquences ?

Il est difficile d’imaginer une entreprise qui n’utilise pas un CRM sous une forme ou une autre. Même si elle ne dispose pas d’un logiciel dédié, elle a au minimum un fichier Excel. À défaut, et cela existe encore, elle peut utiliser des systèmes plus rudimentaires comme une boîte en bois contenant des fiches papier, où le commercial stocke ses contacts et classe les cartes de visite. Ces méthodes constituent en soi une forme de gestion de la relation client.

Excel, en particulier, est souvent considéré comme le CRM par défaut pour de nombreuses entreprises. Cependant, ce type de gestion atteint rapidement ses limites, avec des données réparties dans des tables simples et une traçabilité qui évoluent de manière désordonnée au fil du temps.

Alors, comment une entreprise peut-elle fonctionner sans un CRM dédié ?

Aujourd’hui, entre 30 à 40 % des entreprises continuent de travailler sans logiciel CRM, une amélioration notable par rapport à il y a cinq ans, où plus de 60 % des entreprises étaient dans ce cas. Cependant, la véritable question à se poser est de savoir si les CRM existants sont bien utilisés au sein des entreprises.

Et là, on constate clairement que ce n’est souvent pas le cas.

Quels conseils donneriez-vous pour bien choisir son CRM ?

Le choix d’un CRM est une décision stratégique majeure.

Un mauvais choix peut avoir des conséquences financières et opérationnelles désastreuses.

Si une entreprise décide de ne pas faire appel à un expert, elle devra constituer une équipe interne, généralement composée d’une ou deux personnes, chargée de recenser tous les besoins et les enjeux spécifiques de l’entreprise. Ces informations serviront à élaborer un cahier des charges ou, à minima, un cahier de consultation. Une fois cette étape terminée, l’équipe devra explorer le marché, qui compte plus de 200 solutions de CRM.

Souvent, les équipes projets se concentrent d’abord sur les leaders du marché, au détriment des challengers, ce qui est regrettable car parmi ces solutions moins connues, on trouve souvent des outils très performants.

La véritable difficulté pour une entreprise réside donc dans l’adoption d’une démarche suffisamment professionnelle pour choisir le CRM adapté à ses besoins. Si ce processus est mené sérieusement, il peut s’avérer coûteux. On estime qu’une entreprise de 15 à 50 collaborateurs devra investir entre 12 000 et 15 000 euros en coûts salariaux et en temps consacré à cette recherche interne.

C’est pour répondre à ce besoin que chez Crm-Erp Catalyst, nous avons développé un processus, des outils, et une base de données permettant de professionnaliser et d’adapter cette démarche, tout en offrant des coûts plus abordables.

Certaines entreprises choisissent de sauter ces étapes en optant pour le même CRM qu’un concurrent ou un partenaire. Cependant, cela constitue une erreur. Même si deux entreprises exercent dans le même secteur, elles n’ont pas forcément la même culture, les mêmes besoins informatiques, ou les mêmes processus internes.

Une analyse même simple des différences culturelles entre entreprises montre que les outils les plus adaptés seront souvent différents.

Quelles sont les meilleures pratiques pour exploiter pleinement son CRM ?

Pour exploiter au mieux un CRM, il est essentiel de tirer parti de ses capacités structurantes. Un CRM bien choisi doit être parfaitement adapté aux besoins de l’entreprise, permettant une utilisation optimale sans nécessiter de constantes reconfigurations, ce qui indiquerait un mauvais choix initial.

Une bonne pratique consiste à déployer les fonctionnalités progressivement, mais sans trop étaler ce processus dans le temps. Il est possible de mettre en place les trois principaux domaines, à savoir la force de vente, le marketing, et le service client, sur une période de 6 à 12 mois. On peut commencer par la force de vente, puis passer au marketing et enfin au service client, ou prioriser autrement en fonction des besoins spécifiques de l’entreprise.

Cependant, cette planification doit être soigneusement coordonnée avec le prestataire et l’équipe projet.

Il est inutile de surcharger les utilisateurs avec trop de fonctionnalités dès le départ. Il vaut mieux débuter avec des périmètres fonctionnels limités, bien définis. Après trois à six mois, il est important de vérifier comment chaque utilisateur se sert du CRM. Cela peut se faire via des sondages, des tests en ligne, des QCM, ou simplement en demandant au chef de projet de rencontrer chaque utilisateur pour comprendre leurs difficultés et usages quotidiens. Cela permettra d’ajuster les fonctionnalités, voire de préparer une version améliorée.

En général, il est recommandé de limiter le nombre de fonctionnalités disponibles pour chaque utilisateur à six ou huit durant les premiers mois, surtout si c’est leur première expérience avec un CRM

Quelles erreurs faut-il absolument éviter ?

La première erreur consiste à mal dimensionner l’équipe interne qui devra mener l’étude de choix de la solution CRM. Vérifiez que les ressources sollicitées seront bien aptes à mener la mission. C’est un vrai métier et surtout n’hésitez pas à vous faire accompagner.

Les conséquences d’un mauvais choix peuvent coûter cher à l’entreprise. Sans compter l’impact psychologique négatif auprès de collaborateurs Et la difficulté de mener ensuite une nouvelle mission de choix après un échec.

Autre erreur ; vouloir tout déployer d’un coup. Même si l’on pense avoir une équipe et des effectifs suffisants, il est crucial de rester réaliste. Comme mentionné précédemment, il faut absolument éviter de dénaturer le produit. Une autre erreur courante est de ne pas bien dimensionner l’équipe projet, qu’elle soit interne ou externe. Il est essentiel de s’assurer que les membres de l’équipe possèdent les compétences adéquates et qu’ils peuvent se consacrer en grande partie au projet. Par exemple, si le projet est confié à un collaborateur qui consacre déjà 90 % de son temps à ses tâches habituelles, il ne pourra allouer que 10 % de son temps au CRM, ce qui n’est pas suffisant.

Pour un projet CRM, il est crucial de ne pas restreindre le budget alloué.

Par exemple, si l’on prévoit 30 000 € pour couvrir les licences, l’installation et les paramétrages (pour les 12 premiers mois), il est sage d’ajouter une marge de 15 %, soit environ 5 000 € supplémentaires, pour faire face aux imprévus. Il est dangereux de tenter de réduire ce budget initial à 20 000 € en espérant que cela suffira, car cela pourrait compromettre le projet. Si des coupes sont nécessaires, il vaut mieux réduire le périmètre, comme ne déployer que la force de vente, en reportant d’autres fonctionnalités à plus tard.

Dénaturer le logiciel en le modifiant constamment signifie que le produit ne correspond pas à vos besoins et que le choix initial était probablement erroné.

Quelles sont les innovations récentes dans le domaine des CRM ? L’intelligence artificielle a-t-elle un impact sur ces outils ?

L’intelligence artificielle (IA) s’impose progressivement dans les CRM, surtout via des modules avancés proposés par de grands éditeurs souvent coûteux. Cependant, cette technologie complexe reste peu intégrée, avec seulement 10 à 15 % des grandes entreprises l’ayant adoptée. Il est donc prudent d’attendre que l’IA mûrisse davantage.

Certaines fonctionnalités IA existent depuis une décennie, comme la génération de listes de prospects ou la priorisation des tâches selon la disponibilité des clients. Ou encore la génération automatique de mails de suivi de tickets de maintenance.

Ces outils montrent des promesses, mais leur utilisation est encore limitée et la fiabilité des systèmes reste parfois imparfaite, nécessitant une vérification humaine.

En plus de l’IA, l’Internet des Objets (IoT) pourrait transformer les CRM en connectant des dispositifs intelligents aux systèmes pour fournir des données en temps réel.

Par exemple, des capteurs sur des machines peuvent anticiper des dysfonctionnements, permettant des interventions préventives.

Une autre évolution majeure concerne les plateformes Low-code et No-code, qui permettent aux entreprises de personnaliser leurs CRM sans avoir besoin de compétences en programmation. Elles peuvent ainsi concevoir et connecter de nouveaux modules fonctionnels à leur périmètre CRM. Cette tendance, encore en développement en Europe, offre une alternative sérieuse aux CRM traditionnels.

En résumé, les CRM s’enrichissent et intègrent progressivement des fonctionnalités réservées aux ERP, tout en s’ouvrant à l’IA, à l’IoT et aux plateformes Low-code/No-code.

Ces innovations offrent des perspectives intéressantes, mais leur adoption doit être réfléchie et adaptée aux besoins spécifiques de chaque entreprise. Le CRM devient un sujet stratégique dans la Gouvernance des entreprises et quelque soit leur taille. N’improvisez pas son choix et sa mise en place.

Et vous verrez que les avantages et les bénéfices peuvent devenir importants.

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